Ode aux Bleus
O rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie,
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mes jambes qu'avec respect toute la France admire,
Mes jambes, qui tant de fois ont sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahissent donc ma querelle, et ne font rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
OEuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher les italiens,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Italie, sois de mon prince à présent gouverneur;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi-but, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
mes jambes, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'ont servi de parade, et non pas de défense,
Allez, quittez désormais le dernier des humains,
Passez, pour me venger, en de meilleures mains.